Purification de l’Esprit : Kan Li
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Purifier l’esprit, dans la voie taoïste, n’a jamais signifié le vider de pensées ni l’élever hors du monde.
C’est le rendre limpide, fluide et vivant comme l’eau qui reflète sans saisir. Les anciens disaient : « L’esprit de l’homme est comme un miroir : il ne faut ni l’orienter vers le monde ni vers lui-même, mais le laisser reposer dans la transparence. »
Cette transparence, que le Zhuangzi nomme le Cœur du Ciel, est le but de l’alchimie interne - ce que les maîtres appellent le retour à la Yuan Nature, la nature originelle, avant la division du Yin et du Yang.
Le processus Kan Li, enseigné dans la tradition du Ling Bao Yuan Fa, est la science de cette clarté retrouvée. Kan signifie l’Eau cachant le Feu, Li signifie le Feu contenant l’Eau. Lorsque ces deux principes s’unissent, l’énergie du Ciel et celle de la Terre se rejoignent dans le corps humain, et la conscience retrouve son axe entre les mondes. C’est une voie d’alchimie vivante : la rencontre du Souffle et de la Lumière, du corps et de l’esprit, du sensible et de l’infini.
Le premier niveau, appelé l’Alchimie du Soleil et de la Lune, est la réconciliation des deux pôles primordiaux du vivant. Le Soleil brille dans le cœur, la Lune repose dans les reins ; l’un éclaire, l’autre retient. Quand la conscience, telle une respiration subtile, s’ouvre à la lumière solaire du sommet et à la clarté lunaire de la base, le corps devient un champ de Qi respirant entre les deux infinis. Le Cantong Qi dit : « Lorsque l’Eau retourne au Feu et que le Feu s’unit à l’Eau, le Souffle unique circule, et l’Esprit s’apaise. » À ce stade, l’émotion cesse d’être un tumulte : la colère devient chaleur douce, la peur se change en écoute, la joie en repos lumineux. Sur le plan physiologique, cette union correspond à une régulation profonde du système nerveux autonome - l’équilibre entre le ton sympathique et parasympathique, la synchronisation du rythme cardiaque et respiratoire, la pacification du cortex préfrontal par l’apaisement du système limbique. Ce que le taoïste appelle « équilibrer le Feu et l’Eau » pourrait être nommé aujourd’hui « harmoniser le tronc cérébral et le cortex », ou « relier le souffle viscéral à la clarté consciente ». C’est la naissance d’un calme vibrant, d’une attention sans tension.
Quand ce mariage du Soleil et de la Lune est accompli, la conscience s’élargit vers le second niveau, celui des Cinq Planètes - Jupiter, Mars, Saturne, Vénus et Mercure - qui gouvernent les cinq organes et les cinq mouvements du cœur humain. Les anciens disaient : « L’homme est un ciel en miniature ; ses organes sont des étoiles qui respirent. » Ainsi, dans la méditation Kan Li, le pratiquant se relie à ces cinq souffles célestes, sentant dans le corps la vibration verte du Bois, la chaleur rouge du Feu, la stabilité jaune de la Terre, la clarté blanche du Métal, la profondeur bleutée de l’Eau. Ce ne sont pas des couleurs imaginées, mais des fréquences de conscience qui se déposent dans les organes comme une musique cosmique. À mesure qu’elles se condensent, la colère s’adoucit, la peur s’apaise, la tristesse s’ouvre, la joie s’équilibre, la pensée s’allège.
Les textes du Ling Bao Bi Yao affirment : « Lorsque les cinq esprits se reposent ensemble, le cœur devient transparent comme un lac d’automne. » Ce passage, dans le langage moderne, décrit un processus de cohérence neurophysiologique : la synchronisation des réseaux émotionnels, la régulation du système limbique et la cohérence cardiaque qui permettent à la conscience de devenir stable, large et fluide. Les neurosciences de la méditation parlent de résonance entre le réseau par défaut et les circuits attentionnels ; le Tao appelle cela l’union des cinq Shen. Lorsque ces cinq esprits cessent de se battre pour le trône du mental, la conscience cesse d’être fragmentée. L’attention se fait unité silencieuse. L’énergie des planètes - ces archétypes cosmiques du psychisme - devient lumière intérieure.
Alors commence le troisième Kan Li, le plus subtil, celui des 28 constellations. Ici, le travail ne s’adresse plus à la structure du corps ou aux émotions, mais à la racine même de la perception. Les maîtres l’appellent la contemplation du Ciel antérieur. Le pratiquant s’assoit dans le vide et laisse sa conscience s’étendre dans les cinq parties du Ciel intérieur. Les 28 constellations ne sont plus des étoiles, mais des points de lumière dans le champ de la conscience, les 28 battements du grand Cœur universel. En se fondant dans cette trame, le mental se dissout : il n’y a plus « moi » qui contemple, mais la lumière qui se contemple elle-même. Le Wuzhen Pian décrit ce moment comme « la fusion du Ciel intérieur et du Ciel extérieur, où plus rien ne sépare le souffle de la lumière. »
Sur le plan psychologique, cette étape correspond à la dissolution des frontières de l’ego, à la désactivation du réseau de narration personnelle, et à l’émergence d’un état d’unité souvent décrit dans les recherches sur les états méditatifs profonds. Les zones cérébrales liées à la perception du « soi » - le précunéus, le cortex cingulaire postérieur - s’éteignent, laissant place à une activité lente et cohérente du réseau thalamo-cortical. Sur le plan de l’expérience vécue, c’est la sensation d’un vide vibrant, d’une conscience pure, sans centre ni périphérie. Le Tao nomme cela Da Guang Ming, « la Grande Lumière », là où le Shen, purifié de toute trace, retourne à son origine.
Ainsi, les trois Kan Li forment une spirale ascendante et descendante, une respiration de l’être tout entier : d’abord le mariage du Yin et du Yang, qui pacifie le corps et le cœur ; puis l’harmonisation des Cinq Énergies, qui clarifie la conscience émotionnelle ; enfin la fusion avec le Ciel antérieur, où le Moi se résorbe dans la Présence.
Les neurosciences pourraient y voir la progression de la régulation corporelle vers l’unité neuro-intégrative, et enfin vers la cohérence globale des réseaux cérébraux - mais le Tao, lui, n’y voit qu’un retour : celui de l’Esprit vers sa source.Le Zhuangzi disait : « Le Sage se repose dans le Ciel vide et laisse son cœur s’accorder à l’univers. » Dans le Kan Li, cet accord n’est pas métaphore : il est sensation, respiration, musique des sphères. L’esprit purifié ne flotte pas au-dessus du monde ; il vibre avec lui. Il est devenu clair comme l’eau, léger comme le souffle, vaste comme le silence. C’est le miroir du Dao, qui ne reflète rien et pourtant contient tout.
Et lorsque la lumière se stabilise ainsi dans le cœur, il n’y a plus de pratique, plus de but, plus de progression. Il ne reste que la présence du Souffle primordial - Yuan Qi - circulant librement dans le corps et dans le ciel, comme au premier matin du monde.Le Sage se tait, le souffle respire, la lumière demeure.
C’est cela, purifier l’esprit : laisser le Dao se souvenir de lui-même à travers nous.La première porte du Kan Li s’appelle Riyue Dan - le « Pilier du Soleil et de la Lune ». Elle est la racine de toute alchimie intérieure, le moment où l’être apprend à réconcilier en lui-même les deux forces qui tissent la trame du monde : le Yin et le Yang, l’Eau et le Feu, la Terre et le Ciel.
Les anciens disaient : « Le Feu du Cœur descend, l’Eau des Reins monte ; quand ils s’embrassent, le Dragon et le Tigre s’unissent, et le véritable Élixir se condense. » (Zhong Lü Chuan Dao Ji, chap. 8).Le Soleil, Ri, est la clarté consciente, la lumière du Shen qui éclaire les formes. Il brûle dans le cœur comme une lampe divine, chaude et expansive, donnant à l’esprit la faculté de percevoir, d’aimer et de relier.
La Lune, Yue, est la profondeur réceptive, le réservoir silencieux du Yin. Elle dort dans les reins, fraîche et dense, gardienne des forces de la vie, de la mémoire et du désir de durer.Lorsque ces deux luminaires s’ignorent, la vie devient oscillation : l’excès de Feu consume la quiétude, l’excès d’Eau engourdit la clarté. Le Kan Li commence lorsque le pratiquant cesse de suivre ces oscillations et entreprend d’en unir la source.
Tout débute par une écoute - non pas celle du monde extérieur, mais de la respiration invisible qui le traverse. Avant d’unir le Feu et l’Eau, il faut apprendre à sentir : sentir le Qi solaire et le Qi lunaire, ces deux souffles qui animent la trame du vivant.
Le Ling Bao Jing affirme : « Le Ciel est un Souffle de Feu, la Terre un Souffle d’Eau ; leur rencontre engendre la vie. » Le corps humain, microcosme de ce grand accord, devient alors la chambre de résonance de ces deux souffles - lumière et ombre, chaleur et fraîcheur, clarté et profondeur.
Le Qi solaire descend par le sommet du crâne, comme une pluie de lumière chaude. Ce n’est pas un rayon imaginaire, mais une vibration réelle, perceptible dans la peau, la poitrine et le cœur. Il pénètre les tissus et les rend vivants, comme le soleil réchauffe la pierre au matin. Le Qi lunaire, lui, monte depuis la base du tronc et des talons. C’est une onde dense, fraîche, silencieuse, semblable à une nappe d’eau qui s’élève doucement dans la terre. Quand il monte, le corps se relâche ; le mental s’endort dans la profondeur tranquille des reins.
Lorsque ces deux souffles se rencontrent dans le ventre, une pulsation s’éveille : une tiédeur ronde et stable qu’on nomme parfois la perle du Taiji. Ce n’est pas une énergie imaginée, mais une sensation qui précède la pensée - une évidence corporelle du vivant. « Là où le Yin et le Yang se touchent, le Qi s’éveille et l’Esprit trouve son siège, » dit le Ling Bao Jing.
Ainsi, le pratiquant s’assoit entre Ciel et Terre, le sommet ouvert à la lumière solaire, la base enracinée dans la fraîcheur lunaire. L’inspiration appelle la lumière, l’expiration relâche la chaleur. Peu à peu, le corps devient un pont vivant où l’énergie circule en silence. La salive se fait douce et parfumée : c’est le premier élixir, condensé du Yin et du Yang. Les anciens traités enseignent qu’alors « le Souffle unique circule et l’esprit s’apaise » (Cantong Qi). Ce mouvement n’est pas une métaphore : c’est une onde interne qui relie le cœur et les reins, la poitrine et le bassin, la conscience et les instincts.
Sur le plan de la physiologie moderne, ce mariage du Soleil et de la Lune correspond à la régulation du système nerveux autonome. Le cœur, siège du Feu, et les reins, racine de l’Eau, dialoguent par le réseau neurovégétatif et hormonal. Quand la respiration s’allonge et que la conscience descend, le nerf vague s’active, le rythme cardiaque ralentit, la variabilité cardiaque augmente, et le cerveau reçoit le message de sécurité intérieure. L’axe hypothalamo-hypophysaire, souvent surexcité par la peur ou la tension, s’apaise. Le Feu du Cœur descend - le cortex préfrontal s’ouvre et se calme. L’Eau des Reins monte - le système limbique se pacifie. Le Shen cesse de s’agiter.
Psychologiquement, cette étape est la réconciliation entre l’intellect et l’instinct, entre la volonté de savoir et le besoin de sentir. L’homme moderne vit la plupart du temps dans le Feu : il pense, planifie, se projette, consume. Mais le corps, ignoré, s’enfonce dans le froid de la Lune : tension, fatigue, repli. Le Kan Li du Soleil et de la Lune est la guérison de cette fracture. Quand la conscience redescend dans le corps et que le souffle devient perceptible jusque dans le ventre, le mental perd son emprise et la sensation devient intelligence. C’est la naissance d’une clarté incarnée, d’une sagesse qui ne s’oppose pas à la chair.
Le Zhuangzi écrit : « Quand le cœur est tranquille, l’esprit devient miroir : il reflète sans garder. » C’est exactement le fruit de cette première alchimie. Quand le Feu et l’Eau s’aiment à nouveau, la perception cesse d’être projective. On ne cherche plus à comprendre le monde : on le sent respirer dans la lumière du souffle. Les tensions du plexus se dissolvent, le corps respire comme une seule membrane, et la conscience s’étend jusqu’à l’horizon du silence.
Dans le langage du Tao, on dit que le Ciel descend et la Terre monte, que le Yin et le Yang copulent dans le Dan Tian, et qu’il en naît le Vrai Souffle (Zhen Qi). Dans le langage des sciences, on pourrait dire que la cohérence cardiaque et la régulation émotionnelle ouvrent l’accès à un état d’intégration neurocorticale totale : le cerveau, le cœur et les viscères vibrent ensemble comme un orchestre accordé. Ce n’est pas du mysticisme, mais une physiologie de la présence.
Lorsque le Soleil et la Lune s’équilibrent, le temps ralentit. Le souffle devient cercle, la pensée s’efface. L’attention ne se cherche plus : elle s’auto-régule. Dans cette clarté douce, quelque chose se transforme - la dualité entre l’observateur et le vécu se dissout. C’est le premier degré de la purification de l’esprit : le passage du mental réactif à la conscience stable, de la lutte à la respiration, de l’idée à la sensation vivante du Dao.
Les maîtres du Ling Bao Yuan Fa enseignent que c’est là que « s’ouvre la Porte du Cœur » (Kai Xin Men). Le Shen, apaisé, devient lumineux ; le Qi, équilibré, circule sans effort. Le Feu n’est plus consumant, l’Eau n’est plus stagnante. L’union du Soleil et de la Lune engendre un éclat intérieur que l’on appelle Guang Ding - la stabilité lumineuse. L’esprit devient clair sans être froid, attentif sans être tendu, vaste sans être dispersé.
C’est là le début de la vraie méditation : non pas fuir le monde, mais l’éclairer de l’intérieur. Le corps entier devient un chaudron d’harmonie où s’infusent la vie et la conscience. Le cœur rayonne, les reins soutiennent, le souffle relie - et, dans ce champ de paix vibrante, la lumière du Dao commence à se reconnaître elle-même.
Ainsi s’achève la première purification du Shen : le mariage de l’Eau et du Feu, du cœur et des reins, du conscient et de l’instinct. Le pratiquant, stabilisé dans cette union, entend déjà, au loin, le chant des Cinq Planètes - l’appel de la deuxième alchimie, où les forces du Ciel s’accordent aux émotions humaines. Mais déjà, dans le silence du Soleil et de la Lune unis, le monde respire à travers lui, et l’esprit se repose dans la lumière sans forme.Lorsque le Yin et le Yang se sont enfin réconciliés dans le chaudron silencieux du corps, l’être humain se trouve à la porte d’une transmutation plus subtile : celle où le souffle des émotions devient lumière de conscience. Là commence le Kan Li II, appelé Wu Xing Lian Dan - l’alchimie des Cinq Mouvements.
Les anciens traités disent : « Celui qui unit les Cinq Souffles, même le Ciel s’incline devant sa clarté. » Car ce deuxième travail ne concerne plus seulement la circulation de l’énergie vitale, mais l’harmonisation du monde intérieur de l’âme avec la musique du Ciel.Le texte Kan Li – Opening of the 8 Doors & Going Back to our Yuan Nature décrit cette étape par la phrase : « Connect & Purify Yuan Wu Xing Qi with the 5 Planets. »
Relier et purifier le Qi originel des Cinq Planètes : telle est la tâche du second Kan Li. Il s’agit de remettre en résonance les organes du corps avec leurs archétypes célestes, de rétablir le grand miroir du microcosme et du macrocosme, de réentendre la note que le Dao jouait en nous avant que le mental ne la couvre de bruit.
Dans la vision taoïste, chaque organe est une étoile condensée, chaque émotion un souffle venu du Ciel. Le Foie s’accorde à Jupiter, le Cœur à Mars, la Rate à Saturne, les Poumons à Vénus, les Reins à Mercure. Ces correspondances ne sont pas de simples analogies : elles expriment une réalité vibratoire. Lorsque le pratiquant entre en transe tranquille, il ne s’évade pas du monde : il ressent le Ciel, il sent les planètes palpiter dans son propre souffle. Le corps devient une carte du cosmos.Les cinq mouvements - Bois, Feu, Terre, Métal, Eau - sont les cinq voies par lesquelles la conscience expérimente la vie. Tant qu’ils ne sont pas équilibrés, le Shen reste morcelé : la colère du Bois brûle, la peur de l’Eau fige, la rumination de la Terre alourdit, la joie du Feu s’exalte, la tristesse du Métal s’éteint. Mais lorsque ces cinq souffles retrouvent leur mesure, l’esprit se rassemble autour de son axe invisible. Ce que le Ling Bao Bi Yao appelle « la clarté des Cinq Palais » est en réalité la naissance d’un cerveau unifié : émotion, sensation et réflexion vibrent ensemble comme cinq cordes accordées.
Le pratiquant commence par s’abandonner. « Relax & Tian Di – Trance & Feel Heaven – Feel Planet & Feel Sky Part », dit le texte. S’enraciner dans la Terre, s’ouvrir au Ciel, se laisser respirer par l’espace.
Dans cette détente, la conscience s’élargit jusqu’à percevoir les planètes non comme des astres lointains, mais comme des qualités vibratoires : le vert de Jupiter, couleur du renouveau ; le rouge de Mars, chaleur de la présence ; le jaune de Saturne, équilibre de la stabilité ; le blanc de Vénus, pureté du détachement ; le bleu profond de Mercure, silence de la profondeur.Ces couleurs ne sont pas des images mentales, mais des sensations réelles du champ énergétique. Les organes se colorent intérieurement, chaque teinte révélant une émotion sublimée.
En absorbant ces qualités, le corps devient un instrument d’accord cosmique. Les anciens musiciens du Qi disaient que les cinq sons fondamentaux - Gong, Shang, Jue, Zhi, Yu - sont les résonances auditives de ces cinq souffles planétaires. Ainsi, le Foie chante la note du Bois, le Cœur celle du Feu, la Rate celle de la Terre, les Poumons celle du Métal, les Reins celle de l’Eau.
Quand le corps vibre juste, les sons s’harmonisent : l’homme entier devient un accord, une musique silencieuse.À ce moment, le pratiquant suit la directive : « Absorb color & qualities – Condense in organ. Absorb to Center of Earth – Extend to Universe. After 5 Planets – Meditate to Dan Tian. »
Les souffles célestes, condensés dans les organes, sont ensuite ramenés vers le Dan Tian inférieur, le centre de la Terre intérieure. Là, les cinq lumières fusionnent en une clarté dorée, la Huang Zhong Zhi Guang, la lumière centrale de la Terre.
Ce Feu qui naît de la Terre ne brûle pas : c’est le Zhen Huo, le Feu vrai, l’énergie de la transformation consciente. Le corps devient un axe reliant le haut et le bas, irradiant l’équilibre des cinq directions.
Sur le plan physiologique, cette condensation équivaut à une intégration des réseaux du cerveau émotionnel. Les cinq organes correspondent aux grands circuits affectifs : le Foie à la colère et à la motivation, le Cœur à la joie et à l’élan, la Rate à la rumination et à l’attention, les Poumons à la tristesse et à la conscience morale, les Reins à la peur et à la mémoire profonde.Quand le pratiquant absorbe et unifie ces flux, les réseaux limbiques cessent de dominer la conscience. Le cortex préfrontal retrouve sa régulation souple. L’énergie psychique, auparavant dispersée, se condense dans le centre du corps - le Dan Tian - qui, d’un point de vue neurophysiologique, peut être compris comme le point d’équilibre entre le système nerveux viscéral et la conscience incarnée gérée par l’insula.
Le Ling Bao Bi Yao enseigne : « Celui qui harmonise les Cinq Planètes fait tourner les Cinq Shen autour de la Source ; ils ne se combattent plus, et le Palais de la Conscience devient limpide. »En effet, chaque organe est habité par un esprit partiel - Hun, Po, Yi, Zhi, Shen - les cinq visages du mental. Dans la vie ordinaire, ils tirent chacun dans une direction : l’un rêve, l’autre retient, l’autre encore calcule, redoute ou désire. Mais sous la respiration du Kan Li, ces esprits se souviennent de leur origine commune et se tournent vers le centre.
Le Nei Ye le dit avec la sobriété des anciens : « Lorsque les Cinq Shen reposent ensemble, le cœur devient clair comme un miroir de jade. »
Ce miroir intérieur est la deuxième purification du Shen. Le mental ne réagit plus : il résonne. L’émotion ne submerge plus : elle informe. Les cinq passions se transmutent en cinq vertus spontanées. La colère devient discernement, la peur se fait courage, la tristesse s’ouvre en compassion, l’excitation se calme en joie tranquille, la rumination se fond en confiance.C’est la naissance de la stabilité intérieure, Shen An - la Paix de l’Esprit.
Dans le langage de la psychologie moderne, on pourrait dire que le Kan Li II opère une intégration des circuits émotionnels et cognitifs, permettant au cerveau de fonctionner en cohérence interhémisphérique. Les études sur la méditation profonde montrent des états similaires : régulation des amygdales, synchronisation du rythme cardiaque et du champ électromagnétique du cœur, augmentation des ondes alpha et thêta. Le pratiquant ne vit plus dans la réactivité, mais dans la résonance.Le Zhong Lü Chuan Dao Ji résume cette étape d’une phrase cristalline : « Quand les Cinq Souffles s’accordent, le corps devient cristal et l’esprit devient miroir. Dans ce miroir, le monde entier est contenu, sans trace d’attachement. »
Le Kan Li II accomplit ainsi la transmutation des émotions en vertus, des planètes extérieures en étoiles intérieures, du mental en clarté stable.
Lorsque les Cinq Wu Xing chantent à l’unisson, l’univers semble respirer à travers le corps. Le pratiquant ne se sent plus séparé du monde ; il en devient l’écho conscient, la note juste dans la symphonie du Dao.
Le corps et le cosmos vibrent ensemble - le cœur humain retrouve le rythme du Ciel, et l’esprit, purifié, s’établit dans sa demeure de lumière silencieuse.C’est la deuxième purification du Shen : le moment où la conscience humaine cesse de refléter la turbulence du monde pour refléter sa musique.
Et dans ce miroir immobile, le souffle du Dao se reconnaît lui-même.
Lorsque le Yin et le Yang se sont enfin embrassés dans le chaudron silencieux du corps, et que les cinq mouvements de l’âme se sont accordés comme les cordes d’un même luth, l’être se tient devant un seuil plus vaste : celui du Ciel antérieur - Xian Tian -, ce plan de pure résonance où les formes retournent à leur matrice de lumière. La tradition nomme cette troisième étape He Yi Xing Tian, « l’Union avec le Ciel des Étoiles ». Le document d’enseignement résume la visée d’un trait : « Clean & Sublimate Xian Tian Ba Gua – Polar & 28 Constellations », c’est-à-dire purifier et sublimer le Ba Gua du Ciel antérieur en s’alignant sur l’axe polaire et la ronde des vingt-huit demeures.Dans la cosmologie taoïste, le ciel visible n’est qu’un reflet du Yuan Tian, le Ciel originel. Les Ershiba Xiu, vingt-huit constellations qui ceignent le pôle, ne sont pas de simples astres, mais les demeures du Shen cosmique, les portes par lesquelles la conscience universelle respire dans « les dix mille êtres ». Lorsque l’adepte entre en recueillement profond, il ne cherche pas l’évasion : il laisse les limites de la peau s’alléger et découvre, dans la voûte intime de la tête et du thorax, vingt-huit points de clarté qui oscillent doucement autour du noyau du Yuan Shen.
Le texte pratique en donne la clef : « Relax & Tian Di – Trance & Feel 5 Parts of Heaven – Feel Constellations & Feel Sky Part ». D’abord se déployer entre Terre et Ciel, puis se laisser choir dans une transe lucide qui n’est pas absence mais sur-présence, jusqu’à sentir les « cinq parts du Ciel » comme autant de nappes vibratiles. Alors, les constellations cessent d’être lointaines : elles deviennent portes du Shen dans la sphère de la conscience, couleurs et pulsations perçues non par les sens mais par la vision sans regard - wu mu zhi guan, la claire voyance intérieure.
Vient ensuite le moment d’absorber et de condenser : « Absorb color & qualities – Condense in organ ». La lumière stellaire descend et s’inscrit dans les organes, non plus suivant la grammaire des Cinq Éléments, mais selon une écriture plus ancienne, la lumière des origines, antérieure à toute différenciation. La couronne et le Dan Tian s’alignent ; un axe de l’Esprit - Shen Zhou - se dresse et perce le corps de part en part. Alors se produit le geste alchimique central : « Absorb to Center of Earth – Extend to Universe ». La clarté du ciel est conduite au centre de la Terre intérieure, puis relancée au vaste ; haut et bas s’abolissent dans un souffle unique. C’est la réintégration du Ba Gua antérieur, les huit archétypes se résorbant dans la source sans contours.
À ce degré, la purification ne vise plus l’émotion ni même la pensée : elle touche la racine de la dualité sujet/objet. Le Xian Tian Ba Gua n’appartient pas à la manifestation ; y revenir, c’est dissoudre la croyance d’un « moi » séparé. Il ne s’agit plus de « moi qui contemple le ciel », mais bien du Ciel qui se contemple à travers moi. Le Wuzhen Pian le dit avec une transparence que rien n’altère : « Lorsque le Ciel intérieur s’unit au Ciel extérieur, il n’y a plus ni dedans ni dehors ; l’homme et le Dao ne se font plus face, ils sont un seul miroir. » Dans l’expérience, cela devient un vide vivant, une clarté sans centre, que les maîtres nomment Da Guang Ming, la Grande Lumière.
La neuroscience contemporaine entrevoit, derrière ces mots, des configurations rares de cohérence cérébrale : décroissance de l’activité narrative du réseau du mode par défaut, apaisement du précunéus et du cingulaire postérieur, dominance de rythmes thalamo-corticaux lents qui soutiennent la présence ouverte. Rien d’exotique ici : simplement la signature biologique d’un esprit qui ne se contracte plus autour de lui-même.
Lorsque la lumière des vingt-huit constellations s’unit dans le Dan Tian, le corps devient transparent, le souffle silencieux, l’esprit sans demeure. Le cycle pratique se referme comme il s’était ouvert : « After 5 Parts of Heaven – Meditate to Dan Tian ». Tout le Ciel redescend au centre terrestre de l’homme ; macrocosme et microcosme se reconnaissent comme les deux faces d’un même éclat. À ce stade, il n’y a plus « pratique » : il y a présence. Le Yin-Yang du premier Kan Li, l’harmonie des Cinq Éléments du second, et la trame antérieure du troisième s’unifient dans la grande unité du Yuan Qi.
Les livres de la lignée Ling Bao murmurent alors cette sentence : « Quand les constellations rentrent dans le Cœur, le Ciel cesse de tourner ; quand le Ciel cesse de tourner, l’esprit se repose dans sa clarté sans forme. » Le Zhuangzi répond en écho : « L’humain véritable respire par les talons, et son esprit s’étend dans les dix mille directions. » La purification cosmique du Shen est accomplie : les scories émotionnelles et mentales ont été fondues, le miroir poli jusqu’à l’invisible. On ne « fait » plus la méditation ; on devient le lieu où elle advient. On ne cherche plus le Dao ; le Dao se respire lui-même à travers la chair.
Ainsi les trois Kan Li dessinent la carte entière de la purification : de la dualité vers l’unité, du souffle vers le vide, du vide vers la lumière. Revenir à la Yuan Nature, claire, paisible, indestructible, n’est pas s’enfuir du monde : c’est laisser le monde se reconnaître en nous comme le miroir sans tache du Dao.Lorsque le pratiquant a traversé les trois portes du Kan Li, il ne s’élève pas vers un ailleurs : il revient à ce qu’il n’a jamais cessé d’être.
L’eau et le feu se sont reconnus, les cinq souffles se sont accordés, les constellations ont retrouvé leur place dans le ciel du cœur.
Alors s’achève le long voyage du retour — non pas comme une conquête, mais comme un effacement. L’esprit, purifié, ne cherche plus la lumière : il est lumière, diffuse, tranquille, sans direction.
Le premier Kan Li avait réconcilié le corps et le souffle ; le second avait unifié le mental et les émotions ; le troisième a dissipé jusqu’à la racine du « je ». Ce qui reste n’est pas le néant, mais une clarté silencieuse, une conscience libre de tout centre.
Le Daodejing dit : « Revenir à la racine, c’est trouver la paix ; trouver la paix, c’est revenir au destin du Ciel. »Cette paix n’est pas un repos, mais un mouvement si harmonieux qu’il semble immobile : la respiration du Dao à travers la forme humaine.
Sur le plan intérieur, la triple purification du Kan Li correspond à une transformation complète de la conscience : la régulation du corps ouvre la voie à la stabilité du cœur ; la stabilité du cœur permet la transparence de l’esprit ; la transparence de l’esprit révèle l’unité avec le monde.
Dans le langage moderne, c’est une intégration neuro-affective totale : le système nerveux autonome s’accorde au rythme cardiaque ; le cerveau émotionnel s’harmonise avec le cortex frontal ; l’expérience devient cohérence.Mais dans le langage du Tao, on dit simplement : « Le Ciel descend, la Terre monte, et le Souffle unique circule entre les deux. »
À ce stade, il n’y a plus de distinction entre pratique et vie.
Chaque respiration devient un rituel, chaque regard une offrande, chaque geste un passage du Dao à travers la chair.
Le Sage du Zhuangzi le pressentait : « L’homme véritable ne lutte pas avec le monde, car le monde agit en lui. »
Celui qui a purifié son Shen ne possède plus rien : ni croyance, ni certitude, ni centre fixe.
Il est vaste comme le ciel qu’il contemple, et pourtant il marche parmi les hommes, buvant, riant, enseignant, aimant - porteur d’une lumière qui ne s’éteint pas.Ainsi se clôt le cycle du Kan Li.
Le Feu et l’Eau ne sont plus deux forces contraires, mais la pulsation même du vivant.
Les cinq planètes tournent au-dedans comme les notes d’un chant sans fin.Les constellations brillent désormais dans la conscience, non plus comme des points du firmament, mais comme les reflets du vide dans le miroir du cœur.
Le pratiquant, apaisé, devient l’espace entre les choses, le lieu où la vie se contemple elle-même.C’est cela, le sens ultime du Kan Li : non pas transformer l’homme en immortel, mais le rendre transparent à l’éternité.
Quand le Shen s’est purifié jusqu’à devenir clair comme le cristal, quand la respiration se fond dans le souffle du monde, quand la pensée se dissout dans le silence lumineux, il ne reste qu’une présence nue, sans nom, sans forme - la Yuan Nature, miroir pur du Dao.
Et dans ce miroir, tout continue : la pluie tombe, le vent se lève, les êtres naissent et meurent, et pourtant rien ne bouge.Les trois cours sont disponibles en ce moment.
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